Les héritiers de Prince s'apprêtent à sortir un album posthume du chanteur et musicien phare de la fin du 20e siècle, le premier opus inédit depuis sa mort, le 21 avril 2016. Cet album, qui sort le 30 juillet, s’avère annonciateur des tensions qui règnent aujourd’hui aux États-Unis.
Racisme, divisions politiques, technologie, désinformation : un album de 12 chansons achevé en 2010 mais conservé pour des raisons inconnues dans la chambre forte du chanteur à Paisley Park, près de Minneapolis, qui semble augurer des crispations sociales actuelles aux États-Unis. Alliant lyrisme et funk langoureux, Prince y décrit sa terre comme le "pays de la liberté" tout autant que celui des "esclaves".
Liberté et justice
L'artiste, mort à 57 ans après une overdose accidentelle de fentanyl, ignorait que quatre ans plus tard, sa ville serait secouée par la colère et les manifestations après la mort de George Floyd. Morris Hayes, qui a longtemps été son claviériste et son directeur musical, compare Prince, "très en avance sur son temps", à un "sage assis quelque part dans l'Himalaya". "Il voulait, je crois, un pays qui défende réellement ce qu'il dit défendre : la liberté et la justice pour tous", explique-t-il à nos confrères de l’AFP. Pour Prince, être libre, c'était d'abord avoir le droit de disposer de ses biens. Il était connu pour ses critiques contre l'industrie musicale. Libre, c’était aussi du point de vue technologique. Il comparait les appareils électroniques, de plus en plus répandus, à des "menottes", confie Hayes.
Si l'album aborde des sujets résolument graves, comme le racisme dans Running Game (Son of a Slave Master) ou les conflits religieux dans Same Page, Different Book, il comprend aussi des morceaux plus légers et dansants, comme Hot summer ou Dirty Mind.
L’héritage de son œuvre
Le sort de l'immense quantité de musique laissée par Prince (plus de 8000 selon la légende) est un sujet sensible, tant il contrôlait son travail, son image et sa personnalité énigmatique, soigneusement entretenues. Jusqu'à présent, sa succession (gérée par sa soeur et ses cinq demi-frères et sœurs) a réédité des versions enrichies de ces albums marquants, ainsi que des démos de chansons.
Prince n'avait jamais été clair sur ses intentions concernant ses œuvres inédites mais il avait pris des mesures pour préserver ses archives et son domaine de Paisley Park, ce que ses héritiers ont interprété comme une volonté de les partager. En 2014, il s'était montré sibyllin, quand le magazine Rolling Stone lui avait demandé ce qu'il voulait que son œuvre devienne, une fois disparu. "Je ne pense pas disparaître", avait-il dit.